Guy Meldem est né dans une ferme à Apples en 1980. Aujourd’hui, il est tour à tour artiste, sculpteur,  
designer graphique et illustrateur, chanteur, beat maker et musicien, faiseur de meubles et magicien.  

Guy Meldem est unique et multiples. Un bricoleur de paradoxes, un gaillard qui touche à tout, tel un fermier qui sait chasser sans son chat, un designer qui joue avec l’ADN de notre patrimoine industriel et culturel, un néo-historien qui cherche la singularité dans ce qui existera déjà. Il est le créateur, le préservateur, le transformateur, le dissimulateur et le révélateur. Tel Shiva, il est bien dans ses bottes. 

Le projet Meubles Meldem est une vue à travers une loupe critique qui revisite l’histoire du design de mobiliers de manière analogue à l’histoire de ce monde socio-économique absurde. Dans cet univers,  
les langages et typologies de formes, souvent aux antipodes, se crash tel un slang d’une communauté qui se distingue par sa culture métissée, par le mash-up d’idées, par le système D. Une manière de faire surréel mais radicale, qui fait penser à un mix entre le brutalisme et l’Art Brut avec une touche de Gangnam style… Cette esthétique reste fonctionnelle et dirigée par une éthique qui met en avant l’accessibilité, la reproductibilité, et des matériaux recyclée. C’est une collection d'objets confortables et pensé jusqu’au moindre détail. C’est à ce niveau-là, qu’on comprend que ce n’est pas du foutage de gueule mais de l’humour et de l’art. Certes, à la limite du cynisme, il en sort de la joie et de l’angoisse. Couché sur son Daybed, on se sent le droit de parler d’un futur cataclysmique à ses amis. Il y a une nostalgie chaude-froide qui en émane, une patine désuète qui ferait penser tantôt à un retour vers une philosophie de l’Art and Craft, tantôt a un résidu qui sortirait d’un crash test. Le dialogue avec l’espace qui accueillera un de ces meubles, révèlera une tension politique acide. 

C’est dans ce contexte que Mathieu Winkler a proposé à l’artiste de collaborer avec Moyard SA. 

En ouvrant les ateliers et donnant l’accès à des matériaux d’un registre plus noble, l’exercice présenté dans cette exposition est une phase de laboratoire, la possibilité de chercher l’extrême, de rendre cette tension matérielle et formelle encore plus violente et perverse. Une étape crash test qui nous offre des réponses uniques. Ce collage de styles et d’idées, amalgame de références, Meubles Meldem et Moyard ont saisi une chance de penser par le design les questions d’économie de moyens, d’écologie et de durabilité, qui sont de plus en plus un critère de choix important en Helvétie et d’ailleurs… 

Profitons de faire un détour par l’Inde. En 2014, Chandigarh Furniture, livre coédité par Guy Meldem et le collectif Maximage, porte un regard décalé sur l’idéal moderniste de la ville indienne transformée par  
Le Corbusier. Le livre se focalise sur l’ambiguïté des modifications opérées sur le mobilier de la cité idéale par la population locale. Un Système D qui va à l’essentiel. un charivari visuel qui vient parasiter l’idée d’un mobilier hissé aujourd’hui au rang d'icône du design du XXe siècle.   

Depuis Chandigarh, revenons à Amsterdam pour évoquer le travail de Droog Design. Au cours du Salone del Mobile di Milano en 1993, le duo Gijs Bakker et Renny Ramakers présente une sélection d'objets sobres aux finitions industrielles et d’objets trouvés. La présentation étant intitulée « Droog Design », en raison de la simplicité et de l'humour « sec » des objets. Nous retrouvons ici un design qui questionne l’industrialisation du mobilier, du tout-électronique, du plastique et de l’obsolescence programmée. C’est aussi un hommage à moitié déguisé au fameux designer hollandais Gerrit Rietveld. 

Mais en évoquant Milano, on est obligé de faire honneur au maestro Enzo Mari, ce rebelle qui a incarné une vision du design collaboratif et écologique, bien avant l’heure. Designer autodidacte, inspiré par les courants marxistes de son époque et les différentes vagues de mouvement ouvriers italiens comme Autonomia Operaia. Il ne cessera de chercher à impliquer le peuple dans ce qui fait sa vie quotidienne, alors que le design industriel était en plein boom.  

En 1974, Enzo Mari fait scandale avec son exposition Proposta per autoprogettazione véritable manifeste visant à révolutionner le monde de la distribution. Cette fois-ci, c’est toute une collection de mobilier – chaise, table, bureau – dont il livre gratuitement les plans : l’idée est que chacun puisse la fabriquer soi-même avec un minimum d’outils (marteau, scie, clous et colle), pour retrouver un peu de pouvoir sur sa vie domestique et de dignité au quotidien. La simplicité du système constructif laissait la liberté à l’usager de modifier les plans d’origine à sa convenance et Enzo Mari encourageait cette démarche en demandant aux particuliers de lui envoyer commentaires et photographies du mobilier, comme un avant-goût des posts qui foisonnent aujourd’hui sur les réseaux sociaux… Autoprogettazione proposait ainsi d’instaurer une nouvelle relation plus directe entre le créateur et l’acheteur et de démocratiser la création en court-circuitant les différents acteurs de l’industrie et de la distribution. Enzo Mari désirait ainsi rendre à l’usager une certaine maîtrise sur la conception de son environnement.  

« Mes objets sont assez proches du brutalisme. L'utilisation honnête et visible des matériaux est une partie importante de l'idée de mes meubles. L'idée d'être radical et droit, de montrer les choses telles qu'elles sont et de ne pas cacher de solutions de construction - cela me plaît et je partage cette façon de penser. » 

 « Je change de domaine, mais ma façon de penser et d'aborder la conception reste la même. C'est pourquoi il n'y a pas de grande différence pour moi si je fais de la musique, si je crée une affiche, si je conçois des décors ou si je fabrique une chaise. Il y a beaucoup d'analogies. » 

 « Pour la collection « Meubles Meldem », il s'agissait surtout pour moi d'être efficace, pas trop cher, rapide et fonctionnel. Malgré tout, j'aime bien intégrer des choses inutiles, comme des tableaux ou de petites décorations. Si je trouve un moyen de le faire sans que l'objet soit trop cher, j'aime compliquer l'objet, car je ne pense pas que moins soit plus. Je ne suis pas à la recherche du minimalisme. » 

 Production 

Chaque meuble Meubles Meldem est fabriqué sur commande, édité en nombre illimité, daté et signé.  
La chaîne de production est conçue pour permettre la fabrication rapide de meubles à la demande afin d'optimiser les coûts et d'éviter le gaspillage en réduisant les stocks au minimum. Tout est fabriqué localement à Apples et à Lausanne par Meubles Meldem. Meubles Meldem veut être payé équitablement et souhaite également que les meubles soient vendus à un prix abordable pour la plupart des gens. Ces objectifs sont atteints en réduisant le temps de construction des meubles, en limitant la gamme des matériaux employés et en utilisant des matériaux recyclés dans la mesure du possible. Meubles Meldem pense que l'économie du monde de l'art est un cauchemar néo-libéral, et ce projet est la porte de sortie de Guy Meldem. 

Matériaux & Durabilité 

Tous les meubles sont construits avec une structure solide et durable, mais les surfaces sont volontairement conçues pour vieillir, parfois même rapidement : L'acier rouille, le bois jaunit, le papier et la mousse se dégradent lentement. La plupart des matériaux sont bruts et aucun vernis n'a été appliqué. Les pièces ne conviennent donc pas à un usage extérieur. 

Des matériaux recyclés, issus du commerce équitable, biodégradables et non chimiques sont toujours privilégiés. Par exemple, la peinture et la colle sont utilisées aussi peu que possible. 

Les Meubles Meldem sont facilement réparables.